Sonntag 9. März 2014, 12:12
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Réunion du Comité technique de Pharmacovigilance – CT012013023
Séance du 16 avril 2013 de 09h30 à 17h00 en salle 1 & 2
Page 13 à 16
1-Introduction
Le baclofène, un agoniste des récepteurs centraux et périphériques GABA-B, est indiqué dans le traitement des contractures spastiques de la sclérose en plaques, des contractures spastiques des affections médullaires et d’origine cérébrale.
Les premiers signaux d’utilisation hors AMM du baclofène dans le traitement de l’addiction à l’alcool en France datent de 2008. Depuis, un usage hors AMM grandissant du baclofène est observé à la suite de la publication du livre du Dr Olivier Ameisen. Un suivi national de pharmacovigilance a été mis en place en mars 2011 pour analyser le profil de tolérance du baclofène lors de son utilisation à haute dose dans le sevrage alcoolique. Un premier point sur le suivi national de pharmacovigilance a été présenté au Comité Technique de Pharmacovigilance du 6 mars 2012 et à la Commission Nationale de Pharmacovigilance du 22 mai 2012. Les résultats du suivi national du baclofène ont également été présentés lors du Comité Technique des Centres d’Evaluation et d’Information sur la Pharmacodépendance du 2 juillet 2012.
En juin 2011, l’Afssaps a diffusé un premier point d’information pour mettre en garde sur l’utilisation hors AMM du baclofène dans l’alcoolo-dépendance, actualisé en avril 2012. Un second point d’information a été diffusé en novembre 2012 par l’ANSM et actualisé en mars 2013 afin de présenter les deux essais cliniques autorisés (étude BACLOVILLE et étude ALPADIR) qui ont pour objectif d’acquérir une meilleure connaissance des profils d’efficacité et de sécurité du baclofène dans la prise en charge de l’alcoolo-dépendance.
2-Méthodes
Les sources des données analysées sont la littérature scientifique, les cas de la Base Nationale de Pharmacovigilance reçus ou survenus au cours de l’année 2012, les cas français déclarés aux laboratoires Novartis et Sanofi en 2012 et les chiffres de vente 2012 des spécialités à base de baclofène.
3-Résultats et discussion
Le nombre de comprimés de baclofène vendus a progressé de 52% en 2012 par rapport à l’année 2011. D’après les estimations des laboratoires, la proportion de l’usage hors AMM dans le traitement de l’alcoolo-dépendance correspondrait à environ 50% des ventes de baclofène sur le territoire national en 2012. L’analyse des notifications de pharmacovigilance montre des doses utilisées très hétérogènes, avec une dose médiane de 120 mg par jour. Le profil des prescripteurs reste mal caractérisé, cependant il ressort que les principaux prescripteurs sont des addictologues, psychiatres et généralistes.
Au cours de l’année 2012, 263 cas (93 graves et 170 non graves) correspondant à 405 effets indésirables ont été rapportés dans le traitement des addictions, soit 163 cas de plus que pour l’année 2011. Cette augmentation peut s’expliquer par une moindre sous-notification et/ou une augmentation de la fréquence de survenue des effets indésirables.
Les types d’effets indésirables les plus souvent rapportés sont les troubles neurologiques (33,6%), les troubles psychiatriques (21,2%) et les troubles gastro-intestinaux (10,1%). Comparativement à l’augmentation des chiffres de vente (x 1,5), une nette progression des effets attendus a été observée, en particulier pour les effets indésirables neurologiques (troubles mnésiques, x 7) et psychiatriques (troubles dépressifs x 10, syndrome de sevrage x 10, abus et dépendance x 8).
Au cours de la période étudiée, de nouveaux signaux ont été observés, témoignant d’un profil d’effets indésirables différent du baclofène dans le traitement des addictions : troubles sensitifs et sensoriels (24), erreurs de prise (19), xérostomie (16), insomnie (14), décompensation maniaque (14), accidents (11), syndrome de sevrage sur le mode confusionnel et hallucinatoire se rapprochant du delirium tremens alcoolique (10), sudation excessive (10), abus-dépendance (8) et syndrome oedémateux (5).
D’autres signaux plus faibles émergent également et devront faire l’objet d’une surveillance à l’avenir : hypertriglycéridémie (3), prise de poids (3), troubles anxieux paradoxaux (3), rétrécissement du champ visuel (2), allongement du QT en cas de surdosage (2), diabète insipide en cas de surdosage (2), syndrome d’apnée du sommeil (2 dont 1 à réévaluer).
Ces nouveaux signaux témoignent de notre connaissance limitée dans les diverses fonctionnalités du récepteur GABA-B dont la pharmacologie est complexe et non élucidée. La notification spontanée doit être encouragée et la poursuite du suivi national est indispensable. Certains effets indésirables déclarés apparaissent clairement comme des effets indésirables limitants : décompensation maniaque, dépression et risque suicidaire, risque convulsif, ainsi que toutes les formes d’abus.
Les signaux dont la surveillance active avait été conseillée dans le rapport précédent, à savoir les troubles mnésiques et l’abaissement du seuil épileptogène en cours de traitement en particulier lors d’alcoolisation, sont confirmés.
Le suivi national pour l’année 2012 ne confirme pas certains signaux attendus du fait de la pharmacologie du produit, tels que les troubles extrapyramidaux et les syndromes des jambes sans repos, le syndrome amotivationnel, l’hémorragie digestive, le syndrome sérotoninergique ou l’abus à des fins dopantes par analogie avec le GHB. Certains signaux émergeant dans le rapport précédent tels que les cancers et les troubles hématologiques ne sont pas confirmés mais doivent toutefois faire l’objet d’une surveillance.
4-Conclusions et propositions du Rapporteur
La nette progression des ventes et la probable moindre sous-notification ont fait évoluer la connaissance du profil d’effets indésirables du baclofène à hautes doses dans le traitement des addictions. Celui-ci est sensiblement différent par rapport au traitement de la spasticité. Actuellement, la mesure de minimisation de risque la plus efficace semble être la prescription centralisée, pluridisciplinaire (protocole CAMTEA mis en place à Lille). En effet, il apparait clairement que dans le cadre de ce système de prescription, la gravité des effets indésirables est diminuée (25% à Lille versus 57% dans le reste de la France) du fait d’une sélection rigoureuse des patients et d’un suivi régulier.
Le rapporteur préconise :
- la poursuite du suivi national de pharmacovigilance
- l’accès à une RTU (Recommandation Temporaire d'Utilisation) qui permettra la mise en place de mesures de minimisation de risques (orientation des patients vers des centres d’excellence, diffusion d’une information de sécurité validée, stimulation de la notification spontanée)
- de ré-analyser les études de phase 1 et 2 déposées par les laboratoires, et voir si des études complémentaires sont nécessaires à des doses élevées
- une harmonisation et actualisation des RCP
A la rubrique « mise en garde et précaution d’emploi » : risque de décompensation maniaque, risque de dépression et de passage à l’acte suicidaire
A la rubrique « effet indésirables » : syndrome oedémateux, sécheresse buccale, troubles anxieux paradoxaux, syndrome d’apnée du sommeil
A la rubrique surdosage : diabète insipide, allongement du QT
5-Présentation des données EGB
Objectif : Evaluer l'incidence des nouvelles prescriptions de baclofène en France selon l’indication présumée (dépendance à l’alcool ou pathologie neurologique) et, secondairement, décrire les caractéristiques de prescription de baclofène et les prescripteurs. Schéma de l’étude : Cohorte rétrospective incluant des patients nouvellement traités par baclofène, sur la base de données de "l'Echantillon Généraliste des Bénéficiaires" (EGB).
Participants : Patients avec une première délivrance de baclofène entre le 01/01/2007 et le 31/12/2011, suivie d'une seconde dans les 120 jours suivants. Les patients ont été considérés traités par baclofène pour des troubles neurologiques, si au moins une des conditions suivantes était retrouvée :
1) pathologie neurologique identifiée par l’ALD ou les codes CIM-10,
2) délivrance de dantrolène, un autre médicament anti spastique,
3) hospitalisation pour une affection neurologique correspondant à des codes CIM-10 pour lesquels le baclofène peut être prescrit. Tous les autres patients ont été considérés comme traités pour une dépendance à l'alcool.
Mesure : taux d'incidence annuel calculé comme le rapport des patients incidents sur les personnes-années enregistrées dans la base de données EGB pour chaque année. Résultats : entre le 01/01/2007 et le 31/12/2011, 676 patients ont été définis comme incidents. Alors que le taux d'incidence annuel des patients nouvellement traités par baclofène pour des troubles neurologiques est resté stable, le taux d'incidence annuel des patients nouvellement traités par baclofène pour une dépendance à l'alcool a augmenté d'un facteur 2,9 entre 2007 et 2011. Dans le groupe « dépendance à l'alcool », la durée médiane du traitement était de 143,5 [74,0 ; 377,0] jours et la dose quotidienne médiane de 24,4 [14,8; 39,5] mg de baclofène, soit des durées et des doses plus faibles que celles attendues. Les prescriptions émanaient en majorité de médecins libéraux (74,5%) et, parmi eux, de médecins généralistes (59,3%). La principale limite de cette étude est la non prise en compte des prescriptions non remboursées de baclofène.
6-Conclusions du Comité technique
Une demande de RTU est actuellement en cours d’instruction et devrait être finalisée durant l’été 2013.
Dans cette attente, le Comité Technique considère qu’un point d’information synthétique sur les risques mis en évidence lors de l’utilisation de hautes doses de baclofène devrait être rapidement publié sur le site de l’ANSM, et souhaite une harmonisation des RCP du princeps et du générique. Dans un second temps, les RCP pourront être actualisés (ajout d’effets indésirables, de mises en garde, adaptation de la rubrique surdosage), selon l’issue de la RTU.
L’avis du Comité technique de Pharmacovigilance a été rendu à l’unanimité.
Note Post-CT :
Une précision concernant la proportion de prescriptions hors AMM du baclofène a été demandée par le laboratoire Novartis.
En effet, 8,3% des prescriptions de Lioresal® étaient dans le cadre d’une alcoolo-dépendance, et 1.6% dans le cadre d’une autre dépendance. Concernant le Baclofène Zentiva®, 63% des prescriptions étaient dans le cadre d’une alcoolo-dépendance, et 3% dans le cadre d’une autre dépendance.